L’émeraude: un jardin d’histoire
Considérée comme faisant partie du club très privé des pierres précieuses avec le saphir, le diamant et le rubis, l’émeraude et son vert profond fait rêver depuis des millénaires. Cette gemme, connue depuis bien longtemps par l’Homme, embellit des parures joaillières et a même servi de monnaie d’échange. Grâce à sa beauté, elle se démarque des autres pierres et gagne en valeur, à tel point qu’elle atteint le rang de pierre précieuse. Sa rareté fait d’elle une pierre convoitée et appréciée dans le monde de la joaillerie. Mais qu’en est-il de son histoire et de son évolution dans le cœur des hommes?
Papyrus Prisse, Bibliothèque Nationale de France, XIIème dynastie, 1991-1785 av. J.-Chr.
L’émeraude antique
Déjà connue en Égypte et en Mésopotamie dans l’Antiquité, l’émeraude était porteuse d’un fort symbolisme. En effet, qu’elle soit symbole de fertilité ou de chance, cette gemme était déjà considérée comme importante et précieuse à l’époque.
En Égypte ancienne, environ 2400 avant J.-C., un certain Ptah-Hotep parlait déjà d’une “pierre verte” qui ne se trouvait que très rarement: “Une parole parfaite est plus cachée que la pierre verte” disait-il dans son enseignement. On peut donc y voir très clairement une référence à cette pierre précieuse, déjà grandement appréciée dans cette région et durant cette période.
En Grèce ancienne, aux IV-IIIèmes siècles avant J.-C. Théophraste et son traité “Sur les pierres”, fonde la minéralogie et décrit pour la première fois les émeraudes. À cette époque, des mines en Haute-Egypte ainsi qu’en Autriche existaient déjà afin de dénicher la belle.
Les Romains, par la suite, l’ont associée à Vesta, déesse du foyer et du feu sacré. Décrite de long en large par Pline l’Ancien dans son “Histoire Naturelle” (Ier siècle après J.-C.), on découvre que des mines d’émeraudes se trouvaient dans de nombreux endroits (autant en Scythie qu’en Ethiopie, à Chypre ou encore dans l’Attique) et qu’elles étaient de qualités diverses. Il indique même que l’empereur Néron, grand amateur de ces gemmes, aurait regardé un combat de gladiateurs à travers une émeraude pour ne pas être gêné par le soleil! On ne peut toutefois se méprendre: l’émeraude était appréciée et belle et bien connue durant l’Antiquité. Il est toutefois possible qu’elle ait été confondue avec d’autres pierres, ce qui expliquerait ses grandes variations décrites par Pline.
Attribué à Jean Colombe, La Jérusalem Céleste, Apocalypse Figurée des Ducs de Savoie, date précise inconnue, XVème siècle, peinture sur parchemin, 41 × 26,5 cm, Escorial E Vit. 5 - Folio 49v.
Zmaragdu et la Bible
Dans la Bible aussi, l’émeraude est mentionnée. La principale référence est dans l’Apocalypse (21.19) où il est mention de la Jérusalem Céleste et de ses fondations, toutes réalisées dans des pierres précieuses ou fines. L’émeraude en fait partie et la quatrième fondation est bâtie dans cette gemme. On peut donc voir que dans le concept chrétien, l’émeraude a sa place sous le nom de zmaragdu. Considérée comme un joyau important, cette pierre était assez précieuse pour être considérée afin de bâtir la Nouvelle Jérusalem!
Vert Eden
En Europe, durant le Moyen Age et l’époque moderne, c’est le pouvoir temporel qui s’attribue le pouvoir sur les gemmes. En effet, même si c’est à l’Université en théologie qu’elles sont étudiées en Occident, surtout par une élite bourgeoise urbaine, ce sont surtout les diamants qui deviennent la pierre phare de la noblesse. S’installe alors un véritable “tryptique” de couleurs précieuses, à savoir le bleu, le blanc et le rouge, avec le diamant, le saphir et surtout le rubis/spinelle/grenat, selon François Farges. Mais qu’en est-il des pierres vertes? Rappelant le jardin d’Eden, elle est la couleur préférée du Prophète et jouit d’une grande popularité, mais plutôt en Orient. Les émeraudes disponibles alors sont principalement sourcées en Thébaïde en Egypte, dans les mines appelées “mines de Cléopâtre”. Les “princes de l’Islam” vont alors se disputer ces émeraudes devenues difficiles à trouver, surtout que l’Orient va progressivement oublier la localisation de l’antique gisement.
Il est intéressant de noter la relation entre le minéral et le pouvoir et les conséquences en découlant: l’Eglise par exemple, met plus l’accent sur les couleurs plutôt que sur la préciosité de la pierre. De ce fait, elle pare en général ses objets ecclésiastiques durant cette période de pierres semi-précieuses, voire de verre coloré.
Photo: Javier Hinojosa - INAH, crocodile en or incrusté d’émeraudes, trouvé au Mexique.
A la conquête de l’émeraude
De par le monde, elle a fasciné de nombreux peuples et les groupes ethniques Incas et Muiscas n’étaient pas en reste lorsqu’il s’agissait de lui attribuer une grande valeur. En effet, bien avant l’arrivée des conquistadores, les civilisations d’Amérique du Sud voyaient en les émeraudes des pierres particulières et leur conféraient des vertus spécifiques, comme la fertilité chez les Incas par exemple.
Lors de la conquête espagnole du XVIème siècle, Herman Cortés, le conquérant de l’empire aztèque, aurait gardé quelques émeraudes du trésor de Montézuma et les auraient offertes à son épouse Doña Juana de Zúñiga. Selon Francisco López de Gómara, un historien espagnol du XVIème siècle, ces émeraudes, au nombre de cinq, étaient taillées dans diverses formes dont une rose ou encore un poisson. Elles attisèrent même la jalousie de l’Impératrice d’Espagne, mais finirent par sombrer dans la mer Méditerranée après un naufrage lorsque Cortés partit pour Alger.
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La frénésie verte
Au XIXème siècle, l’impératrice Joséphine, première épouse de Napoléon Bonaparte, adorait les émeraudes et possédait plusieurs magnifiques pièces serties de ces pierres. Plus tard, la princesse Diana a défrayé la chronique en 1985, en portant un collier en tiare lors d’un tour en Australie. Ce collier, ayant appartenu à la reine Mary est paré de multiples émeraudes, le tout dans un style très art-déco, et est considéré comme ayant défini l’individualité de la princesse Diana lors de cette soirée.
Une autre histoire concernant les émeraudes est le couronnement et ensuite l’exil de la famille royale d’Iran. En 1971, l’impératrice Farah porta les émeraudes de l’impératrice Eugénie au légendaire couronnement de Persépolis avec une couronne d’émeraudes. Considéré comme la fête du siècle, ce couronnement ne dura pas car la famille royale d’Iran dut fuir en 1979 lors de la révolution. Depuis lors, ces émeraudes sont conservées à la Banque Centrale de Téhéran.
Rainforest Blossom, une splendide émeraude taillée en forme “poire” sertie sur une bague en or 18 carats, elle-même ornée d’émeraudes et de saphirs.
L’émeraude aujourd’hui
Pierre du mois de mai, l’émeraude, gemme précieuse parmi les précieuses de par sa rareté, est truffée d’inclusions naturelles appelées “jardins”, ce qui lui donne une empreinte unique à chaque pierre. Considérées comme des pierres d’une grande beauté avec une unicité propre à chaque gemme, les émeraudes éblouissent de leur beauté depuis des siècles et n’ont pas fini de surprendre! Elles restent un joyau incontournable dans le monde de la joaillerie.
Passée de pierre à haute valeur symbolique et grand prestige, l’émeraude a néanmoins beaucoup perdu en symbolisme mais garde une place privilégiée dans le cœur des connaisseurs. En effet, de plus en plus difficile à dénicher, l’émeraude est toujours autant appréciée pour sa magnifique couleur vert intense, ce qui pose un problème dans l’offre et la demande. Cette évolution dans la manière de la concevoir est significative aujourd’hui car elle est désormais vue comme signe de prestige dû à sa rareté et non plus un symbole de fertilité par exemple. Plus rare que le diamant qui est certes une pierre précieuse mais assez simple à trouver en comparaison avec l’émeraude qui se fait discrète, cette dernière comble de joie un public averti.
De nos jours, ces pierres précieuses restent l’une des gemmes les plus recherchées à l’état naturel. La Colombie reste le principal producteur mondial, mais des émeraudes sont également extraites dans d’autres régions du monde, notamment au Brésil, en Zambie, ou encore au Zimbabwe. Malheureusement, aujourd’hui, l’extraction minière d’émeraudes, notamment en Colombie, pose de nombreux problèmes sociaux notamment. Vous pouvez en apprendre davantage sur ce sujet avec l’excellent article “Colombie: l’émeraude au coeur de la violence”.
Désormais, il est possible de les obtenir à partir de milieux contrôlés, évitant ainsi tous les problèmes liés à l’extraction des mines. Ces nouvelles gemmes de laboratoire ont les mêmes caractéristiques que les naturelles sans les implications néfastes sociales et environnementales que celles extraites. Nos bijoux AGUAdeORO réalisés avec des émeraudes non extraites des mines, évitent les problèmes liés à l’extraction comme la corruption, les guerres et les désillusions des communautés minières vulnérables.
Les histoires autour de ces pierres sont pour la plupart magnifiques, mais faut-il pour autant inciter à l’exploitation minière, porteuse de tant de malheurs? Socialement, c’est un véritable désastre, avec une économie parallèle qui ne profite qu’à des cartels mal intentionnés et des intermédiaires aux dents longues. Les mineurs, eux, ne perçoivent en général pas grand-chose de leur dur labeur et continuent, jour après jour, à espérer tomber sur la pierre qui changera leur vie.
AGUAdeORO est une bijouterie fondée en 2009 et présente à Genève et Zürich, offrant l’opportunité à ses clients d’acquérir des bijoux éthiques fabriqués en Suisse. Nous avons à cœur de proposer des bijoux alliant développement durable et élégance.